« La route connectée, c’est pour demain », avait déclaré en février 2014 Frédéric Cuviller, Ministre en charge des transports. Nos routes n’échapperont pas à l’invasion disruptive des nanotechnologies, du big data et à la digitalisation progressive de notre environnement. Quelles sont donc les routes de demain qui vont changer nos transports ?
Dans cette mouvance, l’IFSTTAR , l’Institut français des sciences et technologies des transports, partie prenante du projet européen Forever Open Road, a dressé le portrait des « routes de la 5ème génération – 5RG » : des routes repensant la signalisation et l’organisation de la voirie, des routes vertes sources d’énergies positives, des routes aux matériaux alternatifs, des routes intelligentes et qui s’auto-diagnostiquent, et enfin des routes connectées pour une meilleure sécurité de leurs usagers.
Ces routes qui repensent la signalisation …
Comment faire face aux dépenses liées à l’entretien de la signalisation et de l’éclairage routier? Le studio Roosegaarde et Heijmans a trouvé la solution grâce à son projet d’autoroute photoluminescente SMART HIGHWAY, développé en 2014 au Pays-bas. Pensé par le designer Daan Roosegaarde, ce tronçon de route durable et interactif a été réfléchi autour du principe d’absorption de la lumière du jour par le bitume. A la nuit tombée, les marquages peints au sol et photoluminescents s’illuminent et peuvent briller pendant près de 10h. Une seconde peinture pourrait aussi permettre d’indiquer les risques de verglas au conducteur lorsque les bandes détectent de très basses températures.
– Les routes vertes : une nouvelle source d’énergie positive
La France s’est distinguée en décembre 2016 par l’inauguration de la première route solaire « mondiale » : 1 km de panneaux solaires recouvrant une route départementale de l’Orne. Wattway, la route photovoltaïque, est la nouvelle innovation française, brevetée après 5 ans de recherches menées par Colas, leader mondial des infrastructures de transport et l’Institut National de L’Energie solaire. L’objectif de ce projet : « Faire de la route l’énergie de demain. » Le tronçon recouvert de panneau pourrait générer de l’électricité publique pour une ville de 5.000 habitants selon les porteurs du projet . Toutefois, il faut rappeler que le montant de l’œuvre reste malheureusement prohibitif : 5,2 millions d’euro financés à titre de subventions par le Ministère de l’Environnement.
Cette initiative n’est cependant pas la première du genre. En 2014, les hollandais ont mis en service la Solaroad au Nord d’Amsterdam : une piste cyclable solaire empruntée par 2.000 cyclistes par jour. Par ailleurs, aux Etats-Unis, Julie et Scott Brusaw, un couple de californiens, travaillent depuis 10 ans sur la « Solar Rodways », une route équipée de panneaux solaires avec un éventail de technologies et songeaient équiper une partie de la route 66 du Missouri.
– Les routes alternatives au bitume
Plusieurs projets se sont penchés sur les matériaux recyclables comme alternative au bitume traditionnel à base d’hydrocarbures fossiles et polluants : Le projet Algoroute cofinancé par la Région des Pays de la Loire a notamment abouti à la fabrication d’un biobitume à base de résidus de micro-algues ».
Un autre projet encore, la PlasticRoad, porté par la société néerlandaise VolkerWessel qui s’est attaquée à la problématique : en finir avec l’asphalte polluant et recycler. L’idée : créer une route à partir de matériaux plastiques recyclés. La Plastic Road, dont le prototype était attendu pour fin 2017, dure 3 fois plus longtemps et est 4 fois plus léger que les routes traditionnelles et résiste à des températures de -40 jusqu’à 80 degrés Celsius. Son temps de fabrication est aussi à 70% plus rapide : les segments modulaires sont fabriqués en usine pour être ensuite déposés sur leur lit de sable.
Selon Simon Jorritsma, conseiller développements nouveaux et techniques spéciales chez InfraLinq, filiale de VolkerWessels, « le plastique est une alternative durable très supérieure et ouvre la porte à toutes sortes d’autres innovations, comme la production d’électricité, le chauffage des routes, des surfaces de roulement moins bruyantes et la construction modulaire»
Intelligente, la PlasticRoad pourrait s’adapter en piste cyclable et permettre le passage des réseaux de câbles, des gaines, des tuyaux et drainerait l’eau des intempéries. De même les blocs pourraient être retirés, broyés et reconstruits presque indéfiniment et ce, tout en vidant les océans du plastique qui les remplit !
Plus innovant encore, depuis plusieurs années, l’université néerlandaise de Delft recherche une solution qui permettrait aux routes de se réparer d’elles-mêmes et même d’alimenter les véhicules électriques grâce à un bitume qui contiendrait des fibres d’acier conductrices et des bactéries. L’université de Gand en Belgique, quant à elle, travaille sur un béton composé de polymères « superabsorbants » capable de colmater les fissures du béton, une innovation capable de protéger des structures telles que des ponts ou des tunnels. Les coûts de maintenances des routes et structures seraient ainsi sensiblement diminués.
– Des routes intelligentes et qui s’auto-diagnostiquent :
Équipées de capteurs et d’outils de mesures, les nouvelles routes connectées seront capables de fournir des renseignements sur leur température, leur taux de déformation, le trafic routier. Grâce aux technologies embarquées et aux bornes wifi, à la contribution des usagers via leurs smartphones, les données recueillies permettront une prise en charge de leur entretien plus efficace et une meilleure gestion de la circulation. Les géants Eurovia (Vinci), Colas (Bouygues) et Eiffage eux-aussi misent sur l’innovation pour reconvertir les routes et redonner un souffle nouveau au secteur de la construction des routes. Leur projet Smartvia permet l’évaluation en temps réel de l’endommagement de la chaussée en mesurant la température, la pression, l’humidité et la déformation pour prévenir les dégradations avancées.
– Les routes connectées qui interagissent avec leurs usagers :
La route connectée est déjà une réalité au UK où Vinci a remporté un contrat de 65 millions d’euros pour transformer une fraction de l’autoroute M5 en route intelligente. A terme, ces routes seront capables de guider les véhicules sans conducteurs. En France, la Bretagne a été choisie pour mettre à l’essai un système de « Transport Intelligent Coopératif » depuis la fin du mois de juillet 2016 entre Rennes à St Brieuc et Rennes à Nantes. L’objectif du projet pilote ( Système Scoop) lancé par la Direction Interdépartementale des routes en partenariat avec PSA et Renault est de prévenir les zones de danger grâce à des bornes connectées en wifi aux tableaux de bord des voitures.
Toutefois une étude menée en 2015 sur « la route du futur » par l’institut CAS pour le compte de Autoroutes et Tunnel du Mont blanc (AMTB) auprès des populations française, italienne et néerlandaise montre que si la route verte est vue comme un enjeu incontournable chez les français (44% des français de 18 à 24 ans), les innovations de la voiture connectée ne semble pas susciter le même engouement alors que 60 % des Français, 53 % des Néerlandais et 43 % des Italiens ne sont pas favorables à la voiture sans conducteur. Mais le futur est déjà là !